Le choix avait été compliqué. On lui avait bien fait comprendre qu'il ne pourrait en choisir qu'un. Un seul parmi tous ces potentiels champions. Aussi rationnel que l'était Nayel, il n'avait pu éviter l'hésitation. Plusieurs chevaux l'avaient intéressé au plus haut point. Il avait eu à disposition des photos et des vidéos. Face à ces images, il n'avait tout bonnement rien trouvé à redire. Tous présentaient des qualités très intéressantes à exploiter. Son regard s'était longtemps attardé sur les beaux andalous qui ressemblaient beaucoup aux chevaux qu'il avait l'habitude de monter. L'un d'eux l'avait énormément tenté avec son bel œil bleu, lui rappelant un ancien partenaire de danse. Les maîtres d'école eux aussi, avaient réussi à le tenter, lui offrant une large marge de progression dans la tranquillité. Mais il avait jugé plus raisonnable de ne pas chercher la facilité. Comment montrer de quoi on est capable si l'on ne se met jamais en danger ?

Tenté par le risque et déterminé à faire ses preuves, le brun a jeté son dévolu sur un cheval aux allures moins impressionnantes que les ibériques mais dotées d'une légèreté très plaisante. Il semblait évoluer avec aisance à son niveau et l'expressivité dont il faisait preuve présageait de belles choses. Pacific Dream est donc l'heureux élu. Son physique grand mais aérien n'a pas manqué de le titiller plus que les autres. Autrement, Nayel n'en serait pas là, à se diriger vers son box. À présent qu'il est bien installé et qu'il en a fini de se familiariser avec les lieux, le temps est venu de faire connaissance avec son futur partenaire, en espérant que leur route ensemble pourra se faire dans la bonne entente. Maintenant qu'il s'est prononcé, il n'y a plus de retour en arrière possible. L'Hanovrien évoluera sous sa selle pendant une partie suffisamment importante de son parcours.

Sans difficulté, il reconnaît le hongre. Ce n'est pas non plus comme si la tâche en était compliquée. La tête sortie, il cherche à tenir en respect le massif étalon qui lui sert de voisin de box. Ce dernier ne semble pas prêt à se laisser impressionner par Pacific, toutes dents dehors. Il ne bronche pas, se contentant de repousser l'importun. Il n'y a nul doute possible, ce n'est pas l'entier mais bien le hongre qui cherche à s'imposer. Intrigué par ce manège peu courant, l'espagnol observe sans rien dire. Il commence dès lors à cerner l'équidé, à anticiper les divers comportements qu'il sera susceptible d'avoir pour éviter de mauvaises surprises. Nullement perturbé par cette nouvelle présence, le bai lance une nouvelle attaque, pimentée d'un coup de sabot dans la porte de son box. Ça suffit à énerver en retour l'étalon qui maintenait son calme jusqu'alors. Il est temps d'intervenir avant que les choses ne tournent mal. « Pacific ! » Sa voix tonne, ferme mais pas pour autant autoritaire.

Reconnaissant son nom, l'équidé est stoppé dans son élan et pointe les oreilles en direction de celui qui a osé l'interrompre. Le brun peut ressentir son excitation bouillonnante même à distance. Leurs regards se croisent et ils se toisent l'espace d'un instant. L'éclat qui brille au fond des yeux du hongre suffit à Nayel pour lui faire comprendre que ce cheval ne sera pas de tout repos. Le challenge sera double : composer en douceur avec l'animal et s'imposer pour montrer qu'il a bien sa place ici. Pas découragé pour autant, il attrape le licol accroché à la porte du box et repousse le bai pour entrer. Pacific ne masque pas son agacement en renâclant mais s'exécute. L'espagnol l'ignore et lui passe plutôt le licol. Il lui est inévitable de se sentir presque petit à côté d'un équidé plus grand que son ancien partenaire de concours. « Bien, on y va ? » propose-t-il après lui avoir flatté l'encolure.

Le hongre se laisse guider jusqu'à l'aire de pansage, non sans prendre soin de toiser fièrement l'écurie toute entière. Le brun se risque à laisser Pacific seul le temps d'aller chercher sa boîte de pansage et son équipement. La sellerie n'est pas très loin après tout, il va tenter de lui faire confiance. À son retour, il le retrouve pourtant en train de mordiller sa longe. Une petite tape sur le bout du nez et le problème est vite réglé. Le pansage sera aussi de courte durée. Les chevaux en box tondus au moment de la perte de poil ont cet avantage de ne jamais être réellement sales. Le bai prend un malin plaisir à continuer d'attaquer sa longe lorsque le brun se met à le brosser. Que cherche-t-il au juste, à se faire remettre sans cesse à sa place ? Nayel préfère l'ignorer, mieux vaut éviter de contrarier l'équidé dès leur première rencontre.

Plus un bruit. Le hongre s'est subitement arrêté lorsqu'il aperçoit son voisin de box passer devant lui avec un palefrenier pour un tour au marcheur. Attaché, il n'accepte pas de ne pas être au centre de l'attention et renâcle. Nayel lui flatte l'encolure, bien que déconcerté par son comportement. Il se demande bien comment pourra se passer leur travail en compagnie avec d'autres équidés s'ils commencent sur une base si peu sociable. Il faudra qu'il prenne le temps de discuter avec ses soigneurs pour en savoir plus. Si ce n'est que passager, tant mieux. Mais si ce comportement n'a rien à voir avec la saison des chaleurs, il faudra qu'ils apprennent à faire avec. Quoi qu'il en soit, ils seraient bientôt fixés. Aucune des deux issues ne le décevrait, il affectionnait autant la difficulté que la réussite facile. Dans tous les cas, le travail serait présent et seule changerait leur harmonie.

L'équidé lustré, le brun peut passer à l'étape suivante. Tranquillement, il positionne la chabraque bleu marine qu'il a emporté d'Espagne avec lui. Elle semble bien aller à l'Hanovrien et se place facilement au bon endroit. Il peut alors en faire de même avec le léger amortisseur en gel, que Nayel apprécie pour sa fine épaisseur. Il n'aime pas les amortisseurs trop épais. Lorsque le dos d'un cheval est convenablement musclé, il n'estime pas nécessaire de lui comprimer exagérément la colonne vertébrale d'une pièce importante entre la selle et le tapis. Pacific ne cesse d'être actif mais l'espagnol n'en est aucunement gêné pour poser la selle sur son dos, son ancien cheval de concours l'y avait déjà habitué. Puisqu'il n'est nullement question de monter en bride pour un essai, Nayel détache le licol de l'expressive tête du hongre pour lui passer le filet, qu'il accepte sans trop de caprices. Ne lui manque plus alors qu'à mettre sa bombe sur sa tête, ses bottes et prendre un stick pour être fin prêt. Une petite séance de streching les attend pour faire connaissance.